Le génie qui frise la folie

Un texte de Hélène Fauteux

J’ai rencontré récemment une jeune femme qui s’est spécialisée en cinéma d’animation à l’Université Concordia, où j’ai moi-même fait mes classes en journalisme. Et j’ai été agréablement surprise qu’elle me dise avoir entendu parler de Raoul Barré dans ses cours, ce pionnier pourtant méconnu des dessins animés.

Enfant, ce que je connaissais de l’artiste me venait de ses deux dessins à l’encre et aquarelle, dans les teintes de gris et de vieux rose, suspendus dans la salle à dîner. Ils représentaient des scènes parisiennes bien loin de notre quotidien en banlieue de Montréal : le jeune livreur d’un boulanger, son panier de pains posé sur sa tête, qui observe avec les autres passants deux gendarmes auprès d’une petite fille égarée et en pleurs, et ce qui semble être un marquis baisant la main d’une belle dame à la descente de son carrosse. Raoul Barré était le grand-père de mon père.

Ma grand-mère Fauteux était sa fille unique. Nous l’appelions grand-maman Guigui, ce qui était probablement un diminutif de son prénom, Marguerite. Mais elle prétendait plutôt que son père l’avait surnommée ainsi parce qu’elle ressemblait à un singe savant, appelé Guigui et qui était bien connu à Paris au moment de sa naissance dans la Ville Lumière. Était-ce de l’autodérision? Peut-être, puisqu’elle était vraiment jolie sur ses photos de jeunesse!

Grand-maman Guigui nous racontait aussi que si elle n’avait jamais appris à nager, c’était parce que son père l’avait lancée à la mer, bébé, du haut d’un quai du Massachussetts, pensant qu’elle se mettrait à patauger comme un petit chien. Ayant bien failli de se noyer, selon ses dires, elle en avait gardé une frousse de l’eau!

Bref, pour ma grand-mère, son père était un fou! Mais c’était avant tout un artiste de très grand talent, dont elle possédait de superbes toiles, en particulier celle, immense, de Mme Roy, l’épouse d’un ami très cher de ses parents. Et c’est non sans fierté qu’elle soulignait que certaines de ses œuvres étaient conservées au Musée national des beaux-arts du Québec et qu’il avait mis Félix Le Chat – mon « p’tit bonhomme » préféré – en film!

La publication d’André Martin, intitulée Barré l’Introuvable et produite à l’occasion du Festival international du cinéma d’animation à Ottawa en 1976, ou encore la réalisation en 2007 d’un épisode de l’émission La Quête de la télé franco ontarienne (TFO) consacrée à Raoul Barré, nous permettent de mesurer l’ampleur de la contribution aux arts visuels de cet homme de génie, montréalais d’origine.

Et aujourd’hui, le site Internet raoulbarre.ca se veut une nouvelle tribune pour faire la démonstration de la virtuosité de ce touche à tout qui a peint tant des reflets aqueux plus vrais que nature, que signé la première bande dessinée dans le quotidien La Presse et pavé la voie à Walt Disney.

Puissiez-vous vous y délecter de découvertes!

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