Raoul Barré | Les bandes dessinées

Une sélection du travail de bédéiste de Raoul Barré

Raoul Barré, 1902, Pour un diner de Noël, collection Gaspard Fauteux

Le 20 décembre 1902, à l’occasion des fêtes de fin d’année, le quotidien montréalais La Presse publie une bande dessinée muette, Pour un dîner de Noël, signée Raoul Barré. Ce court récit en huit vignettes dynamiques raconte les péripéties d’une famille paysanne qui tente d’attraper l’oie qui sera servie au repas de Noël. Pour un dîner de Noël est la première bande dessinée québécoise publie par un grand journal. Cependant, l’expérience reste sans suite et il faut attendre 1904 pour que la bande dessinée fasse son entrée définitive dans la grande presse. Raoul Barré participe à cette aventure en réalisant la série Les Contes du père Rhault publiée dans La Patrie de juin 1906 à avril 1909. C’est de New York, où il vit depuis 1903, que Raoul Barré fait parvenir au journal, toutes les deux semaines, les facéties de Fanfanet P’tit Pit, les enfants turbulents des Contes du père Rhault. Plus de 60 planches sont publiées.

Dans la métropole américaine, Raoul Barré commence à produire quelques courts-métrages d’animation, mais il ne délaisse pas totalement la bande dessinée. En janvier 1913, il réalise pour le McClure Newspaper Syndicate, sur une pleine page en couleur, une série animalière intitulée Noahzark Hotel. Il signe cette nouvelle création, distribuée à travers les États-Unis, de ses initiales complètes : VARB (Vital Achille Raoul Barré). Cette série paraît simultanément en français dans La Patrie, sous le titre À l’hôtel du père Noé.

Le personnage principal de la série Noahzark Hotel est l’édifice lui-même. D’une semaine à l’autre, les lecteurs et lectrices suivent les mésaventures des différents employés et clients de l’établissement : dans les chambres, le lobby, la salle à manger, les cuisines ou encore la plage, car l’hôtel est situé quelque part à New York sur le bord de l’océan Atlantique.

En Roulant Ma Boule


Tous les personnages sont des animaux. Ainsi, le réceptionniste est un âne, le maître d’hôtel un tigre, le garçon d’ascenseur un singe, le cuisinier un caniche français, etc. Certains n’apparaissent que le temps d’un épisode, tandis que d’autres reviennent régulièrement, tels l’autruche Sherburns, détective de l’hôtel ‑ toujours flanqué de son « Watson », un pélican qui commente toutes ses déductions d’un « Marvoulus ! » admiratif ‑, l’hippopotame Rosalie, femme de chambre maladroite qui transforme un aspirateur en objet meurtrier, ou encore Mr Ryno, un rhinocéros, client toujours mécontent et mal embouché.

Toutefois, les personnages les plus récurrents sont deux petites créatures qui s’agitent dans la partie inférieure des vignettes. Birdie, une oiselle, et Nutty, un écureuil, vivent, en contrepoint du récit principal, des histoires indépendantes dans les bas des cases préfigurant, avec plus d’un demi-siècle d’avance, la coccinelle de Gotlib. Non seulement ces petites bêtes vivent-elles des aventures parallèles, mais elles interpellent directement le lecteur, le prenant à témoin, ou critiquent le travail de l’auteur.

Raoul Barré s’en donne à cœur joie avec cette série. Ses pointes visent autant les bourgeois, que les suffragettes, les grévistes, les policiers et les peintres cubistes. Malheureusement, son travail d’animateur l’accapare de plus en plus et Barré doit mettre un terme à la série, le 9 novembre 1913, mais non sans une dernière pirouette. Dans l’épisode final, l’hôtel est vendu à l’encan. Tous les personnages entraperçus au fil des semaines se précipitent pour en ramener un souvenir, ne laissant que les fondations de la bâtisse. Dans la dernière case, une main apparaît pour saisir la signature « Varb » et la retirer de la planche. La série aura connu 44 épisodes, dont 24 ont été traduits dans La Patrie.

Un texte de Michel Viau

Noahzark


     Noahzark

  • Origine: québécoise Version anglaise publié aux É.U.A.
  • Diffusion: McClure Newspaper Syndicate
  • Date de début: 11 janvier 1913
  • Date de fin: 9 novembre 1913
  • Nombre de planches publiées: 44
  • Genre: bande animalière humoristique


La série est publiée par The Boston Sunday Post (Boston), The San Francisco Chronicle (San Franciso, Californie), The Charlotte News (Charlotte, Caroline du Nord), The Courier-Journal (Louisville, Kentucky), The New Haven Union (New Haven, Connecticut), The Atlanta Constitution (Atlanta, Georgia), The Washington Herald (Washington, D. C.), The Anaconda Standard (Anaconda, Montana), entre autres

            À l’hôtel du Père Noé

  • Dessinateur: Varb (Raoul Barré)
  • Scénariste: Varb (Raoul Barré)
  • Journal: La Patrie du Samedi
  • Format: double-tabloïd couleur
  • Support: papier
  • Date de début: 11 janvier 1913
  • Date de fin: 21 juin 1913
  • Nombre de planches publiées: 24
Michel Viau

Michel Viau

Michel Viau est scénariste et historien de la bande dessinée québécoise. Il a été rédacteur en chef de Safarir et directeur de collection aux éditions Les 400 coups/Mécanique générale. Il a écrit Les Années Croc (Québec Amérique, 2013) et BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec (Station T, 2021). Il a enseigné à l’École nationale de l’humour, ainsi qu’à l’UQO. Il scénarise la série MacGuffin et Alan Smithee et quelques reconstitutions d’affaires criminelles chez Glénat-Québec.