Vital Achille Raoul Barré

Un texte de Paul Fauteux

Raoul Barré était le père de la mère de mon père. Je suis donc un de ses arrière-petits-fils. Aux murs du salon de la maison où j’ai grandi, il y avait deux peintures à l’huile représentant un homme et une femme d’un âge apparemment avancé et dont on devinait qu’ils formaient un couple. L’homme portait une longue barbe blanche et paraissait serein. Le poids des ans semblait plus lourd sur le visage de la femme. Mon père m’a expliqué que ces tableaux avaient été réalisés par son grand-père, qui était artiste et avait vécu à Paris et à New York. Il m’a aussi dit que Raoul Barré était un des pionniers du dessin animé, une forme d’art que la télévision avait permis à l’enfant que j’étais de connaître.

Des années plus tard, je me suis familiarisé avec l’étendue de l’œuvre de ce visionnaire en visitant l’exposition que lui a consacré la Cinémathèque québécoise en 2004.

En 2020, mon oncle Gaspard Fauteux, le frère cadet de mon père, m’a parlé de son projet de créer un site web où seraient regroupées des images de toutes les œuvres de Barré et m’a demandé de rédiger une biographie qui présenterait sa vie et son œuvre. J’ai accepté d’emblée et, au cours de l’année qui a suivi, j’ai eu le plaisir de collaborer avec lui sur la rédaction de ce texte et divers autres aspects du projet, y compris la photographie des deux tableaux susmentionnés, dont j’ai hérité de mon père.

À cheval sur deux siècles, aussi à l’aise avec les canons de la tradition picturale qu’avec la page blanche du métier d’animateur qu’il a contribué à inventer, toujours curieux et bouillonnant d’idées, ce touche-à-tout a été tour à tour montréalais, parisien, new-yorkais, puis à nouveau montréalais. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles cet artiste au parcours peu commun n’est pas mieux connu du public québécois. J’espère que le résultat de nos efforts permettra de combler cette lacune.

Introduction

Joseph-Louis Barré et Marie-Olivine Ste-Marie auront douze enfants,[1] dont sept atteindront l’âge adulte. Quatrième des douze, Vital Achille Raoul Barré est né rue Mont-Royal le 29 janvier 1874 et sera baptisé le lendemain à la cathédrale St-Jacques de Montréal,[2] d’où étaient originaires ses parents. Son père est un marchand de vin reconnu et un pionnier de la fabrication de vins au Québec,[3] particulièrement le vin de messe.[4] Il était aussi un des plus grands propriétaires terriens de Montréal à l’époque. Son immense terrain au 90 de la rue Saint-Hubert,[5] au coin de la rue du Mont-Royal, comprenait un grand jardin à l’arrière et un verger, où on cultivait aussi des poires.[6] La famille est donc aisée. 

Comme l’affirment Marco de Blois et Laurier Lacroix,

Comme Barré a beaucoup voyagé, qu’il passait constamment d’une discipline à l’autre, et comme aussi bien les arts « nobles » que les arts dits populaire [sic] font partie de son parcours, il n’a rarement eu droit à une biographie recensant l’ensemble de son œuvre. Étudier Barré exige de faire appel aux connaissances de spécialistes de plusieurs disciplines afin de poser sur l’œuvre un regard global et transversal.[7]

Marco de Blois et Laurier Lacroix

Pour comprendre l’œuvre de Raoul Barré il faut d’abord comprendre sa personnalité. André Martin le décrit comme suit :

Peintre, illustrateur, artiste commercial, pionnier de la bande dessinée québécoise, du film publicitaire, cofondateur du dessin animé américain, il demeure l’un des créateurs les plus mal connus et les plus attachants de ce début du siècle. Il faut reconnaitre que le silence des biographes et des mémorialistes à son sujet est excusable. Sautant de Montréal à Paris à New York, il ne s’est jamais trouvé où on l’attendait le plus. L’espace atlantique était son champ de manœuvre. Toujours en avance d’une étape sur ceux qui essayèrent de l’aimer ou tout simplement l’imiter. Il avait pour habitude d’abandonner les vergers au moment de la cueillette.[8]

André Martin

Les années formatrices : Montréal et Paris

Barré entreprend des études à l’Institut du Mont Saint-Louis à Montréal en 1889 et y suit au départ des cours de piano. En 1891 il y prend des cours de dessin,[9] pour lequel il a clairement du talent. Il ne semble cependant pas très intéressé par les autres matières, à tel point que la même année il est mis à la porte de l’Institut. Barré était apparemment assez heureux de ce dénouement, croyant que s’en était fini du pensionnat. Mais, dès le lendemain, son père le conduit à un autre collège,[10] le Conseil des arts et manufactures de la province de Québec,[11] qui offre un programme de formation où le dessin tient une place importante.[12]

Sa première œuvre connue est une illustration de « La Fête de nuit à Boucherville de la 22e convention des ingénieurs-pompiers », parue en page couverture du journal montréalais Le Monde illustré du 1er septembre 1894 :[13] il a alors 20 ans. Il illustre aussi quelques pages de la revue Le Passe-temps jusqu’en février 1896.[14]

Son père meurt le 7 avril cette année-là à l’âge de 52 ans et est inhumé trois jours plus tard au Cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Barré est parmi les signataires du registre des décès.[15]

En juillet 1896, à l’âge de 22 ans, Raoul Barré fait un premier séjour à Paris, où il perfectionnera son art pendant un peu plus de deux ans, s’initiant aux tendances les plus novatrices de l’art français.[16]

À cette époque plusieurs artistes canadiens se trouvent à Paris, considérée comme la capitale mondiale des arts et où un séjour constitue pour ceux qui en ont les moyens un passage obligé. Barré y retrouve ou y précède de peu Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté, Clarence Gagnon, Ernest Lawson et d’autres artistes qui feront éventuellement leur marque. Partis conquérir les secrets de la grande figuration académique, le retour au pays de ces Canadiens mènera au développement à Montréal et Toronto d’un prolongement de l’école impressionniste française.[17]

À Paris, Barré fréquente l’Académie Julian,[18] réside rue de Beaune, suit les cours d’Henri Royer et ceux de l’École des beaux-arts; il s’inscrit à l’atelier de Jean-Paul Laurens, qui le marque profondément. Il passe son temps à copier les tableaux de maîtres au musée du Louvre.[19] Il dessine et peint également des œuvres originales; il cherche à exposer ses travaux et publier ses dessins.[20] C’est cependant à titre d’illustrateur et de caricaturiste qu’il se fera surtout connaître.

La France est alors profondément divisée par l’affaire Dreyfus (1894-1906), un conflit social et politique majeur autour du capitaine Alfred Dreyfus, un officier français d’état-major d’origine alsacienne et de religion juive accusé à tort d’avoir livré des documents secrets à l’Allemagne. Le 11 janvier 1898, un Conseil de guerre innocente le commandant Walsin Esterhazy, le véritable traître identifié en novembre 1897, pour empêcher toute reprise judiciaire de l’affaire. Deux jours plus tard, Émile Zola dénonce ce verdict scandaleux dans son pamphlet « J’accuse », qui lui vaudra un procès et une condamnation en Cour d’assises, mais mènera éventuellement à la réhabilitation de Dreyfus.[21]

C’est dans ce contexte enflammé que le 3 mars 1898 Barré publie pour la première fois en France dans Le Sifflet, un bihebdomadaire illustré satirique fondé par Achille Steens et ouvertement dreyfusard. Barré produit une illustration originale pour le texte « L’accapareur » de Steens. Il met également son talent au service de plusieurs autres textes, en plus de dessiner les bandeaux de différentes rubriques.[22]

Martin affirme que les dessins d’alors de Barré sont à l’égal de ceux de Caran d’Ache et Florian,[23] lointains émules de Daumier[24] qui, eux, s’opposent à Dreyfus et publient dans des journaux illustrés concurrents.[25] Quoiqu’il en soit, les caricatures agressives de Barré en faveur de Dreyfus le font remarquer et Georges Clémenceau, alors député et futur Président, qui a approuvé le titre du pamphlet de Zola, commente favorablement ces dessins courageux dans son journal.[26]

Steens est également le directeur de La Revue des Deux France, où Barré publie de nombreux dessins entre mars et juillet 1898 : les deux hommes semblent avoir été liés dans un même combat pour la justice.[27] Barré travaille aussi pour les éditions de Paul Ollendorff et collabore à d’autres périodiques parisiens comme Le Gavroche, La Gaîté gauloise et Le Cri de Paris. Cette dernière revue affiche un parti-pris dreyfusard et anticolonialiste. Barré s’associe régulièrement à des positions politiques comparables, comme l’illustrent ses caricatures intitulées « France et Russie » dans Le Monde illustré du 21 novembre 1896 et « L’armement des Noirs » dans Les Débats du 17 décembre 1899.[28]

Gustave Comte, critique, professeur et librettiste montréalais, le confirme en ces termes en 1899 :

Il [Barré] a un très fort penchant pour la caricature, — cette spécialité dans l’art du dessin que nous ne connaissons pas encore et que nous n’osons pas croire aussi sérieuse qu’elle ne l’est, — et comme dessinateur caricaturiste, il n’est pas un dessinateur qui pense, mais un penseur qui dessine.[29]

Gustave Comte

Premier retour à Montréal

Début août 1898, Barré revient à Montréal, où il partage son temps entre la peinture, la caricature et l’illustration.[30] Il s’insère dans plusieurs domaines de la vie culturelle. Passionné des arts de la scène, il évolue dans le milieu du théâtre amateur et participe aux Soirées de famille qui se déroulent au Théâtre du Monument-National sous la direction d’Elzéar Roy de 1898 à 1901. Il reprend contact avec le milieu journalistique. Il fournit des illustrations au Monde illustré et aux Débats. Ses œuvres reproduites en pleine page traduisent leur qualité et l’intérêt des éditeurs pour son art.[31]

Il habite le 319, rue Rachel et aménage son atelier dans un hangar au 486, rue Saint-Laurent.[32] Ses toiles s’inscrivent dans la lignée du courant postimpressionniste. Ses paysages indiquent son intérêt pour les variantes de lumière, la couleur claire et un emploi généreux de la matière picturale. En ce sens, il participe à la diffusion des valeurs de l’art moderne au début du XXe siècle. Il montre au public une aquarelle, Le Bain, lors de la 20e exposition annuelle de l’Académie royale du Canada (Art Association of Montreal) en avril 1899.[33]

Barré illustre l’ouvrage d’Honoré Beaugrand, « La Chasse galerie. Légendes canadiennes » avec Henri Julien en 1900.[34]

Les progrès de l’imprimerie rendent possible la publication de revues illustrées de qualité et permettent l’essor de la presse à grand tirage. Barré prête alors ses talents de dessinateur au Monde illustré de Montréal. À partir de janvier 1900 et jusqu’en 1908, il collabore au journal La Presse et y dessine notamment «Histoire de sauvage». Il publie également ses dessins et illustrations dans d’autres revues, y compris La Revue nationale et La Revue des Deux France.[35]

À cette époque on assiste au Québec à la diffusion accrue de publications satiriques et de revues consacrées à la littérature et aux idées. S’inscrivant dans ce mouvement, Barré collabore à des publications appartenant au courant de pensée libéral. Il y dessine de saisissantes scènes d’actualité réalistes et agrémente les textes de motifs ornementaux qui portent l’influence de l’art nouveau.[36]

C’est aussi dans les illustrations de livres ou d’articles que Barré acquiert une expertise qui le servira plus tard. Il travaille vite et bien comme illustrateur et dans la publicité.[37]

En 1901 il publie chez Cornélius Déom Frères « En roulant ma boule », un recueil d’illustrations humoristiques préfacé par Louis-Honoré Fréchette et dans lequel il se moque de la procession de la Saint-Jean-Baptiste.[38]

Le 4e recensement du Canada, mené cette année-là, atteste que Raoul vit alors avec ses frères Jean-Louis et Hercule. À titre d’artiste il y déclare des gages de 1 570 $ qui illustrent sa prospérité relative, tout comme ses frères qui en déclarent respectivement  2 000 $ et 1 850 $.

Deuxième séjour à Paris et deuxième retour à Montréal

Toujours en 1901, il épouse à Montréal Antoinette Skelly.[39] Il a 27 ans et elle 23.  Le mariage est célébré dans l’Église Saint-Jacques,[40] où Raoul et Antoinette, surnommée Zeille, ont été tous deux baptisés et dont les vestiges ont été intégrés dans le pavillon Judith-Jasmin de l’Université du Québec à Montréal en 1979. 

Antoinette Skelly vient d’une famille de 14 enfants. Son père, James Skelly, décédé à l’âge de 49 ans, était marchand et commerçant, comme celui de Barré.[41]

Raoul Barré, Paris, 1902

Les nouveaux mariés repartent aussitôt pour Paris pour un an. C’est dans cette ville que nait en juillet 1902 leur fille Marguerite. En novembre de la même année, la petite famille revient à Montréal.[42]

Dans le numéro du 20 décembre 1902 de La Presse, Barré publie « Pour un dîner de Noël », ce que certains considèrent comme la première bande dessinée à paraître dans un quotidien québécois.[43] Cette courte histoire muette, en huit images, met en scène une famille pourchassant une oie pour la manger. Le dessin de Barré, dynamique à souhait et tout en rondeur, marqué par son goût du mouvement et la férocité dynamique des détails, annonce déjà ses qualités de cinéaste d’animation.[44]

New York

À cette époque Montréal est encore la métropole du Canada mais ne compte que 326,000 habitants, ce qui n’est suffisant ni pour abriter les espoirs et les curiosités de Barré, ni pour lui permettre de gagner sa vie.[45] Il s’installe donc de façon permanente à New York en 1903[46] et y restera 25 ans.[47]

Barré y travaille initialement comme dessinateur de presse et utilise deux pseudonymes, Raoul Barry et VARB (les initiales de ses prénoms et nom complets).

Entre 1903 et 1908, il voyage entre New York, Montréal et, au moins deux fois, Paris.[48] L’énumération des habitants du 1er juin 1905 voit la famille Barré établie au 7, 108th Street, New York, NY. L’occupation de Raoul y est décrite comme artist et celle d’Antoinette housework (travail ménager).

De New York, où il travaille comme illustrateur commercial, Barré fait parvenir ses planches au journal La Patrie de Montréal et participe à quelques expositions de peintres canadiens.  En juin 1906, il fait paraître dans La Patrie « Les contes du Père Rhault », une bande dessinée en couleurs qui comporte des phylactères, c’est-à-dire des bulles dans lesquelles sont inscrites ce que disent, pensent ou ressentent les personnages. Cette série de gags décrit, en huit à dix images, les mauvais tours que préparent deux garnements, P’tit Pit et Fanfan, à l’intention de leur père, leur tante Frizine et leur entourage, le tout se terminant par la traditionnelle fessée. Elle se poursuivra jusqu’en 1909 à travers plus de 57 planches.[49]

Le 13e recensement en vue d’établir la population des États-Unis, réalisé en 1910, établit la résidence familiale au 609, West 127th Street, New York, NY.

Un tableau de Barré, réalisé à Gloucester, Massachussetts en 1911 et aujourd’hui dans la collection du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), s’intitule Au bord de la mer et montre des rochers sur lesquels on voit deux femmes assises.[50] Selon Mimi Fauteux-Castonguay, ces deux femmes seraient sa mère Marguerite Barré et sa grand-mère Antoinette Skelly. Certains tableaux de Barré se trouvent dans les familles de ses descendants et un plus grand nombre font partie de collections privées au Canada et aux États-Unis.

À cette époque, l’image photographique ne domine pas encore l’illustration des journaux, magazines et publicités. Barré travaille à la George Batten and Co, une entreprise spécialisée dans toutes les formes d’art commercial. Avec son solide métier graphique, il devient chef des ateliers qui produisent affiches, annonces et illustrations. Le fondateur de l’entreprise, qui commence à se faire vieux et dont le fils ne s’intéresse pas particulièrement à ce type d’activités, lui en offre la direction,[51] mais Barré, qui a d’autres intérêts, décline. Plus d’un siècle plus tard, BBDO, qui a succédé à l’entreprise de Batten, est jugée en 2019 le meilleur réseau d’agences de publicité au monde par le World Advertising Research Center.[52]

Barré rejoint plutôt le McClure Newspaper Syndicate, pour lequel il dessine entre le 12 janvier et le 9 novembre 1913 dans l’édition dominicale du New Haven Union une bande dessinée intitulée Noahzark Hotel, publiée en français dans La Patrie à partir de janvier 1913 sous le titre « À l’hôtel du père Noé ».[53] Comme son nom l’indique, il s’agit d’un hôtel dont les membres du personnel et les clients sont des animaux. Le thème est développé à bon escient et c’est l’espèce des animaux qui dicte l’action, qui tend à être joyeusement et agréablement frénétique.[54]

La carrière du jeune peintre et dessinateur va cependant être fortement influencée par une nouvelle forme d’images. C’est en effet à New York que s’amorce durant les années 1910 l’industrialisation de l’animation, fondée sur la répartition du travail de traçage et de tournage parmi les membres d’une équipe supervisée par un réalisateur et un producteur.[55] Comme plusieurs artistes de journaux de son temps, Barré est intrigué par les expériences du Français Emil Cohl et de l’Américain Winsor McCay avec les premiers dessins animés.[56]

Il découvre cette forme d’expression graphique en allant un soir au cinéma et elle pique sa curiosité. Alors que se multiplient nickleodeons[57] et maisons de production, il comprend qu’un nouveau champ de possibilités, encore peu occupé, s’offre au dessinateur.[58] Il y règne une concurrence féroce[59] et Barré devient rapidement un acteur de premier plan dans le domaine.

En 1912, Barré commence par offrir ses services au studio Edison, où il produit plusieurs courts métrages promotionnels qui pourraient avoir marqué la première utilisation de l’animation dans la publicité.[60] 

C’est là qu’il rencontre Bill Nolan,[61] avec qui il produit des films publicitaires amalgamant prise de vue réelle et animation, puis des films d’animation destinés à être projetés sur le Time Building et dans les salles de cinéma.[62] Il fonde avec lui le Barré-Nolan Studio en 1912[63] et embauche de jeunes dessinateurs et artistes à qui il inculque les rudiments de l’animation et raffine leur sens artistique en organisant à leur intention des séances de modèle vivant.[64] Il initie ainsi à l’image par image de nombreux débutants éblouis par leur nouveau métier qui deviendront célèbres par la suite.[65]

Parmi eux, Pat Sullivan et Otto Mesmer, qui créeront quelques années plus tard, en 1919, le populaire dessin animé Felix The Cat.[66] C’est de Barré que Sullivan apprend les secrets du métier et c’est à cette époque (1912-13) qu’il produit son premier dessin animé, qui s’appelle Advertising Cartoons.[67]

Otto Mesmer raconte que :

Tout le monde respectait Raoul Barré. Nous le considérions comme une idole quand, dans son studio, il a commencé à nous montrer, non seulement comment on pouvait dessiner le pas d’un personnage et le faire marcher, mais aussi faire rire le public. Barré était un homme très amusant.  Travailler avec lui était un soutien et un véritable plaisir.[68]

Otto Mesmer

En 1913, Barré fonde sa propre compagnie d’animation, le Raoul Barré Studio, dans la section Fordham du Bronx,[69] un des premiers studios de dessin animé organisé en vue d’une production organisée et abondante.[70] Barré a écrit, réalisé et animé plus de 30 courts métrages de 1914 à 1919.[71]

Il continue néanmoins de peindre et réalise en 1913 La Baigneuse, aujourd’hui dans la collection du MNBAQ.[72]

À partir de 1915, toujours avec Nolan comme collaborateur, il réalise et produit plusieurs dizaines de films dans deux séries fantaisistes : les Animated Grouch Chasers pour les Studios Edison et les Phables pour le International Film Service.[73] La première consiste en des sketches animés intégrés à une action en prises de vues réelles, tandis que la deuxième est une adaptation d’une bande dessinée de Tom E. Powers qui porte un regard ironique sur les mœurs contemporaines.[74] Les dessins animés que Barré et Nolan produisent comprennent aussi The Boob Weekly, écrit par Rube Goldberg.[75]

Le studio avait annoncé avec beaucoup d’enthousiasme la sortie prochaine des Animated Grouch Chasers, dans un article qui les présentait comme the best work in his carreer (le meilleur travail de sa carrière) de the noted French cartoonist (le caricaturiste de renom français) Raoul Barré. L’article rappelait les faits d’armes de Barré contre Caran d’Ache et Florian dans l’affaire Dreyfus et assurait le public que, selon ses premiers spectateurs, la série was declared to possess all the piquancy for which the joy-loving French people are known for (a été déclaré posséder tout le piquant pour lequel sont connus les Français épris de joie de vivre).[76]

Inventeur et visionnaire

Sa fille Marguerite, surnommée Guigui, racontait que tout intéressait Barré et qu’il expérimentait constamment, au lieu d’exceller dans une seule activité. Comme plusieurs québécois, il avait des qualités de « patenteux ». C’est ainsi qu’il conçoit et utilise à New York deux inventions qui simplifient et accélèrent le travail de l’animateur, tout en améliorant la qualité du mouvement. Ces inventions constituent la contribution fondamentale de Raoul Barré à l’animation.

La première, le slash system (système de barre oblique), est un procédé antérieur aux cellulos qui consiste à découper une ouverture dans la feuille de décor et à placer celle-ci sur les éléments à animer.[77] Barré limite ainsi l’animation à des parties mobiles (bras, jambes ou tête) superposés à un deuxième calque sur lequel se trouvent les parties stationnaires qui, à la projection, demeureront fixes pendant plusieurs secondes.[78] Ce dispositif permet d’économiser du travail, puisque les figures stationnaires n’ont pas à être retracées avec les figures animées; et le fond mouvant, photographié sous l’action, crée l’illusion d’un mouvement horizontal ou vertical alors même que les personnages marchent sur place.[79]

Si ce système, en dépit de son efficacité, est tombé en désuétude, la deuxième invention de Barré, la règle à tenons, également nommée règle à ergots ou peg bar, constitue une véritable révolution. Barré a l’idée d’une règle sur laquelle il fixe deux ergots. Les feuilles de dessin, perforées dans la partie supérieure ou inférieure, sont immobilisées[80] et le placement identique de toutes les phases de mouvement sur les tables d’animation ou de prise de vue est assuré. Barré résout ainsi définitivement le problème fondamental de repérage et de superposition parfaite des phases d’animation auquel était confrontée cette industrie naissante. Tous les trous percés dans les calques, les cellulos et les fonds sur les tables de tous les animateurs du monde rendent depuis à Barré un hommage aussi discret que durable.[81]

Barré n’était pas seulement un inventeur, c’était aussi un visionnaire. Otto Mesmer raconte qu’en 1914, 15 ans avant la venue du son et 18 ans avant celle de la couleur, Barré avait offert un grand dîner à tous les cinéastes d’animation new-yorkais. C’était la seule fois qu’ils se sont retrouvés tous ensemble, chaque studio ayant l’habitude de rester dans son coin, et ce geste en dit long sur le caractère grégaire de Barré. À l’issue du dîner on le força à prendre la parole et c’est alors qu’il prédit que bientôt les dessins animés, qui n’en étaient encore qu’à leurs tout débuts, parleraient, utiliseraient des effets sonores et seraient en couleur. Tout le monde a ri, personne ne l’a cru et, pourtant, toutes ces choses se sont ensuite réalisées relativement rapidement.[82]

L’énumération des habitants du 1er juin 1915 voit la famille Barré établie au 50, West 159th Street, New York, NY. L’occupation de Raoul y est alors décrite comme cartoonist (caricaturiste) et celles d’Antoinette et Marguerite respectivement housewife (ménagère) et school (écolière).

Tranches de vie au Barry Studio

Dick Huemer, un artiste-illustrateur américain,[83] a laissé un important témoignage de ses débuts au Barry Studio du Bronx en 1916. Il raconte comment, après des mois à passer devant son bureau identifié par une affiche qui disait simplement « RAOUL BARRE. Cartoonist », il avait fini par trouver le courage de s’y présenter pour demander du travail et Barré l’avait engagé sur le champ.[84]

Huemer commença par peindre des chaussures, des manteaux et des chapeaux noirs sur le personnage de Jeff, qu’il connaissait des pages de la bande dessinée Mutt and Jeff. Il y apprit cependant qu’il n’était pas tant un dessinateur qu’un praticien de l’art mystérieux de l’animation, à une époque où peu de gens avaient entendu parler des films d’animation et encore moins en avaient vu. Le terme « animateur » ne faisait par conséquent pas partie du lexique du commun des mortels. Avant d’être élevé à cette dignité un mois plus tard, Huemer commença donc comme « traceur », celui qui suivait l’animateur et traçait les parties qu’il avait laissées de côté et qui ne changeaient pas dans l’action.[85]

Barré était un homme pour qui il faisait bon travailler. Artiste lui-même, peintre des beaux-arts plutôt que dessinateur, il avait une profonde dévotion pour l’entreprise naissante, en dépit des grandes difficultés économiques qu’elle présentait. Bien avant Disney, Barré eut l’idée de réinvestir les bénéfices qu’il réalisait (tout minuscules qu’ils fussent) pour produire de meilleures images, créer une demande pour celles-ci et ainsi faire plus d’argent pour toutes les parties concernées, tant l’artiste que le producteur.[86] À titre d’exemple, il paya de sa poche l’achat de tables d’animation, d’équipement de caméras et de mobilier de bureau neufs.[87]

En dépit de ses moyens extrêmement limités, Barré faisait tout ce qu’il pouvait pour atteindre cet objectif. Par exemple, il organisait des cours d’art gratuits après les heures de travail, où les animateurs pouvaient améliorer leurs compétences (ce dont, selon Huemer, ils avaient grand besoin[88]) en s’inspirant des modèles vivants qu’il fournissait gratuitement. C’est là une autre chose que Disney ferait bien des années plus tard.[89]

Huemer raconte qu’un soir, en plein milieu de la séance, alors que tout le monde griffonnait assidûment, le modèle à la belle silhouette descendit soudain de son support et sortit de la pièce. Barré, aussi étonné que tout le monde, l’a immédiatement suivie. Pendant un moment, les autres les entendaient se disputer, mais ne pouvaient pas comprendre ce qui se disait. Au bout d’un moment, Barré est revenu avec un sourire amusé et leur a annoncé que les cours étaient annulés pour ce soir-là. Puis, il s’est tourné vers Vet Anderson, ainsi appelé parce qu’il était un vétéran de la guerre hispano-américaine. Tout le monde a ri quand Barre a déclaré que c’était à cause de Vet. « C’est cet homme », avait dit la fille avec colère. « Il est assis là à dessiner avec ce sourire mauvais sur son visage. C’est quoi cet endroit ? Êtes-vous des artistes ou une bande de débauchés qui veulent seulement regarder une femme nue? » Rien de ce que Barré avait pu dire ne l’avait convaincue que le regard de Vet brillait toujours de cette lueur satyrique lorsqu’il se concentrait et qu’ils n’étaient pas tous des voyeurs.[90]

Barré a aussi essayé d’améliorer les histoires. L’idée des story-boards était loin dans le futur, en attendant l’ère Disney. Au mieux, on ne pouvait à l’époque consacrer que très peu de temps à la phase narrative de l’opération, puisque le plus important était de savoir la quantité de film qui pouvait être produite chaque semaine. Mais Barré faisait ce qu’il pouvait et veillait à ce que l’action et l’intrigue soient au moins un peu délimitées avant le début de l’animation, plutôt que de laisser à chaque animateur le soin d’inventer et d’improviser au fur et à mesure. Si le double rôle de conteur et d’animateur était amusant pour l’artiste, il ne permettait guère d’obtenir un scénario complet et bien ficelé. Souvent, le film se terminait par un gadget inventé à la hâte, ou par le trop fréquent diaphragme qui se refermait sur le personnage qui courait vers l’horizon. Lorsque les limites très strictes du métrage étaient atteintes (le studio produisait environ 500 pieds d’animation par semaine, la longueur requise pour un dessin animé à l’époque[91]) ou que le temps alloué à la production était écoulé, selon ce qui se produisait en premier, c’était LA FIN.[92]

Les difficultés économiques s’aggravent

En 1916, le magnat de la presse et multimillionnaire William Randolph Hearst lance le International Film Service pour rivaliser avec Barré et embauche la plupart de son personnel, y compris Nolan, en leur payant des salaires que Barré ne peut se permettre. Ce dernier est alors réduit à accepter des contrats chez Hearst en tant qu’entrepreneur indépendant. Après avoir réalisé sept dessins animés dans la série des Phables, il démissionne.[93]

En 1917, Barré s’associe à Charles Bowers et Alfred Thurber, un autre animateur peu connu, pour fonder le Barré-Bowers Studio, un des quatre grands studios d’animation de New York.[94] Selon Huemer, l’investissement de Bowers était de $2,000, ce qui représentait un peu plus que les 1 500 $ de revenus hebdomadaires du studio.[95] Ils y produisent pendant trois ans les dessins animés Mutt and Jeff, une version cinématographique de la première bande dessinée quotidienne américaine, née en 1907. L’enjeu était considérable, puisque c’était une des bandes dessinées les plus suivies de l’époque et les grands journaux n’avaient jamais cessé de se la disputer.[96]

Bud Fisher, son créateur, avait approché Bowers avec l’idée de porter Mutt and Jeff à l’écran un an plus tôt. Même si Barré et Bowers avait acquis les droits pour le faire, leurs noms n’apparaissaient pas au générique parce Fisher voulait que seul son nom apparaisse en lien avec ses personnages. Au départ et en vertu de l’arrangement entre Bowers et Fisher, les films étaient donc officiellement produits par la Mutt and Jeff Film Exchange.[97]

Fisher n’était pas un pionnier de l’industrie de l’animation, sauf dans le sens où il finançait le fonctionnement du studio de Barré. En dehors de cela, il ne prenait aucune part à la production. On le voyait rarement au studio, où Huemer l’a vu pour la dernière fois quand il y est passé dans son uniforme de capitaine avant de partir pour la Première Guerre mondiale, dont il est revenu sain et sauf et pas moins riche. Fisher avait le don de faire de l’argent et semblait faire beaucoup de profits avec les dessins animés que l’équipe s’échinait à produire.[98]

Il ne restait pas beaucoup à empocher pour Barré, qui était payé une somme fixe de 1 500 $ pour livrer une demi-bobine imprimée et son négatif. Comme le studio produisait un film chaque semaine, cette somme représentait son seul revenu. Cela semble ridicule au regard des normes modernes, mais c’était suffisant pour payer les salaires de cinq ou six animateurs, d’une dizaine de traceurs, d’un caméraman et d’un laveur de cellulos (le studio ne pouvait pas se permettre d’acheter de nouvelles bobines pour chaque film). Le personnel était astreint à un horaire très exigeant, qui l’obligeait souvent à faire des heures supplémentaires non-rémunérées pour obtenir le chèque de paie de l’avocat de Fisher.[99]

Au début de 1917, Fisher prend le contrôle de la série Mutt and Jeff, crée la Bud Fisher Films Corporation et un studio d’animation dans le Bronx avec Bowers, produisant 15 films cette année-là et écartant progressivement Barré. Fisher s’attribue tout le mérite public des dessins animés, tandis que Barré supervise les animateurs et que Bowers s’occupe des livres. Il s’en « occupe » si bien qu’il ruine la société et Barré démissionne en 1918 pour éviter d’être accusé de complicité.[100] Barré est très affecté par ces événements et des rumeurs de dépression nerveuse circulent alors à son sujet.[101]

La crise

Marguerite Barré, 1920

Selon Huemer, Barré, préoccupé par les difficultés financières du studio qu’avait aggravées Bowers, perdit la tête sous la pression. Il aurait été retrouvé errant dans un parc, bafouillant de manière incohérente et jetant l’argent aux quatre vents.[102]

Huemer a vraisemblablement entendu cette histoire de la bouche de Bowers, comme l’a plus tard raconté Izzy Klein, un des employés de ce dernier.

Bowers était un personnage un peu louche, qui manigançait des plans que ses employés ne faisaient qu’entrevoir, et qui s’était probablement fait plus d’un ennemi mortel. Il semblait se complaire dans le drame, comme le montre clairement Klein dans l’histoire qui suit. Bowers avait quitté le studio à la hâte, pour revenir quelques heures plus tard, enflammé par l’émotion.

D’abord, la porte du studio s’est ouverte. Bowers est resté dans l’embrasure assez longtemps pour attirer l’attention de tous. Puis il a soigneusement fermé la porte. Ensuite, il a mis la main dans une de ses poches et a sorti la clé de la porte du studio. Il la brandit pour que nous puissions tous la voir, puis il se retourne et ferme la porte du studio. Sans aucun doute, il a mis le public dans un état d’attente excitante, en fait, une excitation effrayante…[103]

Il s’ensuit une pause significative. Puis dans un fort murmure de scène : « RAOUL BARRÉ A CRAQUÉ… IL EST DEVENU FOU CET APRÈS-MIDI… il est en route pour venir détruire le studio et me tuer ! » Puis Bowers a continué: « Barré a retiré tout l’argent de notre compte bancaire commun… tout en petites coupures. Il est en train de disperser l’argent dans les rues et, en même temps, il brandit un revolver en criant : ‘Je vais tirer sur cet escroc, Charlie Bowers' »…[104]

La porte du studio est restée fermée à clé et Charlie Bowers s’est retiré dans son bureau… Personne ne pouvait travailler, s’attendant à ce que la vitre de la porte vole en éclats d’une minute à l’autre et qu’un fou passe en tirant avec son revolver. Une heure environ s’est écoulée. Le studio est dans un silence de chambre de malade… Un téléphone sonne dans le bureau… Il y a une pause, puis Bowers sort et annonce que nous sommes hors de danger. M. Barré avait été capturé par la police sans résistance.[105]

Bowers avait une imagination débordante et aimait raconter des histoires à dormir debout. Il se présentait comme le fils d’une comtesse qui avait appris à marcher sur une corde raide à l’âge de cinq ans, avait été kidnappé par des gitans de cirque à six ans et avait été tour à tour bronco buster (dresseur de chevaux sauvages), jockey, cow-boy, entraîneur de chevaux et acrobate.[106]

Quoiqu’il en soit, le pauvre Barré, que Huemer décrit comme « si gentil et bien intentionné »[107], a été interné suite à cet incident. La fiche de conscription (draft card) émise au nom de Barré par l’armée américaine le 12 septembre 1918, moins de deux mois avant la fin de la première guerre mondiale, en témoigne.  Celle-ci atteste qu’il est un patient du Central Islip State Hospital, un asile psychiatrique.[108] La fiche ajoute qu’il refuse de la signer et qu’il est disqualifié parce que fou (insane). C’est vers cette époque que sa femme le quitte, emmenant avec elle leur fille unique Marguerite, à qui elle défend de voir son père.[109] On voit sur la fiche que Raoul et Antoinette vivent alors séparés, lui au 1, Northern Avenue et elle au 1611, University Avenue, tous deux à New York City, NY. On ne sait ni à quelle date Barré entre à l’hôpital ni à quelle date il le quitte.[110]

Un article publié en 1918 mentionne cependant que sa femme le poursuivait pour pension alimentaire, affirmant qu’il passait trop de temps au studio.[111]

Fisher licencie Bowers une première fois en 1919 en raison d’irrégularités financières dans la gestion du studio. Il le réengage en 1920, mais le licencie à nouveau plus tard pour avoir gonflé la masse salariale du studio et d’autres affaires louches.[112] Fisher reste ensuite seul aux commandes et le studio Barré-Bowers fait faillite en 1923.[113]

Interlude à la campagne

À sa sortie de l’hôpital Barré abandonne non seulement le studio, mais le cinéma d’animation et la ville de New York. Il se réfugie à Glenn Cove City, un coin tranquille de Long Island où il se consacre à la peinture et à l’illustration. Le 14e recensement en vue d’établir la population des États-Unis, réalisé en 1920, atteste qu’Antoinette et leur fille Marguerite vivent à nouveau avec lui au 49, Sea Cliff Avenue.

Barré y réalise et publie dans des magazines The Blonde of the Month (la blonde du mois), une série de portraits soignés d’actrices et de dames élégantes de la haute société, et une série de vitraux pour une église de New York.[114] Il séjourne également à Montréal et Paris.[115]

Retour à New York et à l’animation

Son mariage avec Antoinette continue néanmoins de battre de l’aile et, le 29 mai 1925, les deux époux, qui vivent alors au 53, West 72nd Street, signent un accord de séparation qui précise que les époux ont convenu de vivre séparés parce que l’épouse l’estime nécessaire à sa santé et à son bonheur, et because of certain facts that are matter of hospital record (en raison de certains faits qui sont attestés par des registres d’hôpital). L’accord prévoit que Barré versera une pension alimentaire viagère pour sa femme à la mère de celle-ci à son domicile de Montréal mais ne fait aucune mention de Marguerite, alors âgée de 23 ans et mariée depuis deux ans à Gaspard Fauteux, chirurgien-dentiste.

En 1926, Barré réintègre le monde de l’animation à la demande de Sullivan, devenu producteur des dessins animés Félix the Cat,[116] avec l’équipe duquel il collabore comme « animateur invité » à sept épisodes. Les dessins animés que Barré a créés pour Sullivan sont considérés comme les meilleurs qu’il ait jamais faits, ainsi que les meilleurs dessins animés de Felix jamais réalisés.[117]

« C’était un génie de l’animation », se souvient le directeur de la série Otto Messmer. « C’était un plaisir de voir cet homme travailler avec moi sur ‘Felix’. Il avait un grand flair pour les gags et les effets délicats qui ont enrichi les histoires que j’ai ébauchées. »[118]

Otto Messmer

Retour à Montréal

Peu après, la maladie force Barré à quitter l’environnement trop compétitif de New York. Il rentre à Montréal en 1929[119] pour y retrouver sa famille et ses amis, notamment Elzéar Roy et Ozias Leduc.[120]

Il prend un appartement rue Cherrier et continue de peindre, puis déménage son studio rue Sherbrooke[121] et plus tard rue Durocher.[122] Il participe à des expositions de la Royal Canadian Academy et la Art Association of Montreal. En 1930 il réalise le troisième de ses tableaux acquis par le MNBAQ, « L’homme à la meule ».[123]

En 1931, son gendre Gaspard Fauteux[124] se lance en politique provinciale. Fauteux se présente contre Camilien Houde, qui a été maire de Montréal en 1927-1928 et élu chef du parti conservateur en 1929, à l’élection générale dans le comté de Montréal-Sainte-Marie, que Houde représente à Québec depuis 1923.[125] Le pari est donc audacieux et Barré appuie son gendre en produisant avec lui « Le Taureau », un journal satirique et partisan qui donne la réplique au journal « Le Goglu » de Houde et dans lequel il publie des caricatures sous le pseudonyme É. Paulette. Le style outré, tout en rondeurs, apparaît nettement influencé par les comic strips et le cartoon américain.[126] Les efforts de Barré sont récompensés par la victoire de Fauteux.

Malgré la maladie, Barré reste visionnaire et continue de se lancer dans des projets innovateurs et audacieux. Convaincu que l’animation peut avoir des vertus pédagogiques, il élabore pour le ministre de la Voirie un projet de film sur le « Tourisme dans Québec », dont l’objectif est de faire comprendre la pertinence de développer le tourisme étranger : « une industrie destinée à répandre dans toute la province des millions de dollars ». Il propose également au frère Marie-Victorin de l’Université de Montréal d’animer des schémas scientifiques dans des films éducatifs sur la botanique et les sciences naturelles.

Ces deux projets reposent sur des films éducatifs incluant de l’animation et du photomontage, avec la dose d’humour caractéristique de Barré.[127]

Barré avait travaillé à New York à un projet d’enseignement du dessin par le film et quelques bandes avaient été tournées ou étaient prêtes à être réalisées à cette fin. Il s’en inspira pour signaler par des articles et des annonces la création de l‘Educational Art and Film Co. of Montreal, rappelant l’aptitude qu’il avait démontré à New York pour entrainer de jeunes talents et reconnaitre les artistes les plus doués. Il insiste dans ce contexte sur les possibilités du film éducatif et récréatif, et invente presque la télévision en expliquant que les fonctions commerciales de la radio devront bientôt s’adjoindre des moyens visuels pour montrer les produits dont on ne peut que parler à la radio.[128]

Cette école-coopérative où les étudiants étaient payés pour travailler sur de vrais projets a dû fonctionner vers 1930 autour de Microbus 1er, un projet dont le scénario et des croquis ont été conservés, ainsi que des tableaux de division du travail et quelques séquences réalisées par des élèves. Le scénario de cette œuvre inachevée et les centaines de croquis, de décors et d’études dessinés par Barré annoncent une œuvre prometteuse, pleine de fantaisie graphique et de trouvailles visuelles, d’un humour loufoque et irrévérencieux. Le film, qui n’a jamais vu le jour, aurait raconté les aventures du roi Microbus qui règne sur une armée de microbes vivant dans l’estomac d’un malade.[129] Toujours aussi entreprenant, Barré envisageait une co-production avec la France, que son frère Hercule, commissaire du commerce du gouvernement canadien à Paris, s’employait à faciliter en octobre 1931.[130]

Enfin, Barré aurait conçu et fabriqué un char allégorique pour le défilé de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal, pour lequel il a préparé un budget peu avant son décès.[131]

Atteint d’un cancer, Barré meurt à l’âge de 58 ans le 21 mai 1932 à la résidence de son frère Georges, rue Nelson à Outremont, quelques mois après avoir subi une intervention chirurgicale. Ni sa femme, ni sa fille n’assisteront à ses funérailles. Il est inhumé au Cimetière Notre-Dame à Montréal.

Hommages posthumes

Réception à l’occasion de l’accrochage du tableau Madame Roy, Cinémathèque québécoise | 10 octobre 2019

Dans un discours prononcé le 15 avril 2004 à l’occasion de l’inauguration de l’exposition sur l’œuvre de Barré à la Cinémathèque québécoise (qui a nommé une de ses salles d’exposition Raoul-Barré), son arrière-petite-fille Marilyse Lapierre disait retenir de lui son grand amour de la vie et de la liberté, qui implique le courage d’être différent.

Malgré les déceptions que la vie lui a réservées, une fois de retour au Québec il ne s’est jamais montré aigri ou amer, ni n’a exprimé de regrets. Il était gai, spirituel et drôle. C’était un animateur né, autant dans les soirées de famille et les rencontres entre amis que dans son milieu professionnel.

L’humour qui alimentait ses bandes dessinées et ses films imprégnait son regard sur le monde et sur lui-même. Sa nièce Marie-Paule, qu’il avait invitée à venir séjourner à New York pour y apprendre l’anglais, racontait que, quelques semaines avant sa mort, Barré avait reçu la visite de son vieil ami Elzéar Roy, avec qui il avait fait du théâtre au Théâtre du Monument-National dans sa jeunesse. Sachant la mort proche, il avait déclaré à son ami qui arrivait : « Fini les jeunes premiers ».

Barré était resté proche de Marie-Paule, dont il a continué à suivre la vie amoureuse et qu’il conseillait par lettres après son retour au Québec. Suite à une peine d’amour, il lui avait écrit : « Mieux vaut briser son cœur que le fermer ». 

Sa sœur et deux de ses frères, qui étaient moins fortunés, ont aussi bénéficié de sa générosité. Il leur envoyait à chacun un chèque de 50 $ par mois en précisant que cet argent ne devait pas être utilisé pour le nécessaire, mais pour le superflu. 

Pour décider d’être un artiste dans le Québec de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, pour choisir d’étudier en France, de travailler à New York et de s’intéresser aux modes d’expression les plus nouveaux, il fallait assumer la liberté d’être différent et l’audace de croire en ses rêves.[132]

En 2007, l’émission La Quête de la chaîne de télévision TFO a réalisé un épisode sur la vie de Raoul Barré mettant en vedette son arrière-arrière-petite-fille Gabrielle Fauteux-Cormier (la fille de ma sœur Hélène).[133]  Selon l’animateur de l’émission, qui concluait ainsi l’épisode, Raoul Barré était « l’un des créateurs les plus audacieux, innovateurs et talentueux que le Québec ait connu. Et en plus il était généreux, gentil et amusant. »

André Martin résume ainsi la vie de cet artiste ambitieux, inventeur de génie, Québécois visionnaire et audacieux dans l’annonce « inclassable » avec laquelle il conclut la brochure précitée :

On demande des Raoul Barré pour rendre la vie supportable. Travail d’avenir mais bénéfices marginaux.  Diplômes et autos pas nécessaires. Pour plus d’information relisez cette brochure.[134]

André Martin

NOTES


1 Michel Viau, « Raoul Barré », https://web.archive.org/web/20110515211358/http://www.bdquebec.qc.ca/auteurs/barre/rbarre.htm, consulté le 15 mai 2021.

[2] Registres de naissance, mariage et décès (Collection Drouin), 1621-1968, Baptême (47) Vital Achille Raoul Barré, 30 janvier 1874, Montréal, Québec, Cathédrale St-Jacques-le-Majeur.

[3] Notice nécrologique du 9 avril 1896 dans The Gazette, https://fr-ca.findagrave.com/memorial/196534954/joseph-louis-barré, consulté le 22 novembre 2020. Les membres de sa famille l’identifient comme « fabricant » dans le registre qui atteste de l’inhumation de sa veuve le 9 mars 1900, alors qu’ils l’avaient décrit comme « marchand » quatre ans plus tôt au moment de sa propre inhumation le 10 avril 1896. L’inscription au registre des naissances de celle de Raoul Barré, en date du 30 janvier 1874, identifie son père comme « expéditeur ».

[4] Pour la liturgie, l’Église demande de prendre un « vin naturel de raisins, pur et non corrompu, sans mélange de substances étrangères », dont on doit « veiller à ce qu’il ne s’aigrisse pas ». https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/rc_con_ccdds_doc_20170615_lettera-su-pane-vino-eucaristia_fr.html, consulté le 10 juillet 2021. En Montérégie, dans les années 1880, Charles Gibbs de Saint-Paul-d’Abbotsford cultive, sur le versant du mont Yamaska, 47 variétés de raisins provenant d’hybrides nord-américains et de croisements européens. Il a en pépinière 30 000 plants de vigne mais ne vinifie pas lui-même. https://www.lechateaudelagrange.com/index.php/component/content/article?id=124, consulté le 10 juillet 2021.

[5][5] Op. cit. supra note 3.

[6] Généalogie de la famille Barré préparée par Marcelle Barré.

[7] Marco de Blois et Laurier Lacroix, « À la découverte de Raoul Barré : créateur d’un siècle nouveau », dossier sur les collections de la Cinémathèque québécoise mis en ligne en mars 2017, http://collections.cinematheque.qc.ca/en/dossiers/a-la-decouverte-de-raoul-barre-createur-dun-siecle-nouveau/, consulté le 22 novembre 2020. L’Office national du film du Canada a réalisé une compilation, produite à l’aide de copies conservées à la Cinémathèque québécoise, qui donne une juste idée du talent de Barré, de son sens du rythme, du gag et du mouvement, et, surtout, de son humour impertinent.

[8] André Martin, « Barré l’introuvable », brochure publiée en 1976 à l’occasion d’un festival international du cinéma d’animation à Ottawa, p. 1, https://archive.org/details/Barre_201603, consulté le 22 novembre 2020.

[9] Op. cit. supra note 7.

[10] Discours de Marilyse Lapierre à l’inauguration de l’exposition sur l’œuvre de Barré à la Cinémathèque québécoise le 15 avril 2004.

[11] Idem.

[12] https://advitam.banq.qc.ca/notice/585889.

[13] Réseau canadien de documentation pour la recherche, https://www.canadiana.ca/view/oocihm.8_06290_539/2?r=0&s=1, consulté le 1er décembre 2020.

[14] David Karel et Bernard Mulaire, « Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord : Peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, photographes et orfèvres », Québec, QC: Musée du Québec; s. l.: Les Presses de l’Université Laval, 1992, p. 42-43.

[15] Op. cit. supra note 3.

[16] Marie-Claude Mirandette, Voyage aux sources de l’animation : À la découverte de Raoul Barré, créateur d’un siècle nouveau, Ciné-bulles, été 2004, vol. 22, no 3, https://www.erudit.org/fr/revues/cb/2004-v22-n3-cb1088152/feuilletage/#page/n29/mode/2up, consulté le 30 novembre 2020.

[17] Op. cit. supra note 8.

[18] Samuel Montiège, « L’Académie Julian et ses élèves canadiens Paris, 1880-1900 » Thèse de doctorat, Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques, Faculté des arts et sciences, Montréal, mai 2011, dont l’annexe 7.7 reproduit la fiche d’abonnement de Barré, https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/5900, consulté le 1er décembre 2020.

[19] Op. cit. supra note 14.

[20] Idem.

[21]  https://www.linternaute.fr/actualite/guide-histoire/2367773-affaire-dreyfus-dates-cles-resume-et-recit-du-grand-scandale/.

[22] Op. cit. supra note 7.

[23] Op. cit. supra note 8.

[24] Op. cit. supra note 16.

[25] The Edison Kinetogram, octobre 1914, p. 6, https://books.google.ca/books?id=wvI9AQAAMAAJ&pg=RA4-PA30&lpg=RA4-PA30&dq=raoul+barre+these+will+be+considerably&source=bl&ots=-A2RP_vnme&sig=l6XnevZGNQ0t3PaN96-oN4Adrhc&hl=en&sa=X&redir_esc=y#v=onepage&q=raoul%20barre%20these%20will%20be%20considerably&f=false, consulté le 1er décembre 2020.

[26]Op. cit. supra note 8.

[27] Op. cit. supra note 11.

[28] Op. cit. supra note 7.

[29] Gustave Comte, « Silhouettes artistiques M. Raoul Barré », Le Passe-temps, 18 février 1899, p. 1, cité dans op. cit. supra note 7.

[30] Op. cit. supra note 16.

[31] Op. cit. supra note 8.

[32] Idem.

[33] Op. cit. supra note 7.

[34] Op. cit. supra note 11.

[35]Who’s Who in Animated Cartoons, 2006, https://books.google.ca/books?id=FVShFCjVzvIC&pg=PA21&dq=%22Barré+Vital+Achille+Raoul%22&hl=en&ei=5ETpTou7Fsyutwfn_6DZCg&sa=X&oi=book_result&ct=result&redir_esc=y#v=onepage&q=%22Barré%20Vital%20Achille%20Raoul%22&f=false, consulté le 1er décembre 2020.

[36] Op. cit. supra note 7.

[37]  Luc Chaput, Exposition Raoul Barré : Le traceur de pistes oublié, https://www.erudit.org/fr/revues/sequences/2004-n233-sequences1100591/48066ac/, consulté le 16 mai 2021.

[38] Raoul Barré, En roulant ma boule : album, https://archive.org/details/enroulantmaboule00barr_0/page/n1/mode/2up, consulté le 22 novembre 2020.

[39] Registres de naissance, mariage et décès (Collection Drouin), 1621-1968, Baptême (191), Marie Antoinette Skelly, le 16 avril 1878, Montréal, Québec, Cathédrale St-Jacques-le-Majeur.

[40] Généalogie du Québec et d’Amérique française,https://www.nosorigines.qc.ca/GenealogieQuebec.aspx?genealogie=Barre_Raoul&pid=1448132, consulté le 16 mai 2021.

[41] Répertoire du patrimoine culturel québécois, https://patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=12716&type=pge, consulté le 15 mai 2021

[42] Op. cit. supra note 8.

[43] BD québécoise, https://fr.qaz.wiki/wiki/Quebec_comics, consulté le 1er décembre 2020. D’autres estiment que cet honneur revient à Albéric Bourgeois, qui a publié deux ans plus tard dans La Presse une bande dessinée qui, contrairement à celle de Barré, contenait des phylactères (bulles).

[44] Op. cit. supra note 7.

[45] Op. cit. supra note 8.

[46] Manifest du 1er avril 1918 du US Department of Labor, Immigration and Naturalization Service émis au port de St Albans, Vermont.

[47]Op. cit. supra note 8.

[48] Op. cit. supra note 14.

[49] Op. cit. supra note 8.

[50] Raoul Barré, Au bord de la mer, https://collections.mnbaq.org/fr/oeuvre/600000003, consulté le 22 novembre 2020.

[51] Op. cit. supra note 8.

[52] BBDO Worldwide Tops WARC Creative 100 as the World’s Most Creative Agency Network, https://www.omnicomgroup.com/newsroom/bbdo-worldwide-tops-warc-creative-100-as-the-worlds-most-creative-agency-network/, consulté le 16 mai 2021.

[53] Op. cit. supra note 7.

[54] Stripper’s Guide Blog, http://strippersguide.blogspot.com/2011/12/obscurity-of-day-noahzark-hotel.html, consulté le 22 novembre 2020; voir à titre d’exemples https://la-bd-de-journal-au-quebec.fandom.com/fr/wiki/À_l%27Hôtel_du_Père_Noé_-_La_Patrie_du_Samedi.

[55] Op. cit. supra note 7.

[56] Op. cit. supra note 16.

[57] Le premier type de cinéma aux États-Unis où, de 1905 à 1915, on pouvait voir des films pour un nickel, c’est-à-dire cinq cents.

[58] Op. cit. supra note 8.

[59] Op. cit. supra note 7.

[60] Raoul Barré, https://fr-ca.findagrave.com/memorial/42122285/_, consulté le 1er décembre 2020.

[61] https://www.erudit.org/fr/revues/cb/2004-v22-n3-cb1088152/26472ac.pdf.

[62] Op. cit. supra note 8.

[63] Op. cit. supra note 35.

[64] Op. cit. supra note 7.

[65] Op. cit. supra note 8.

[66] Op. cit. supra note 7.

[67] Op. cit. supra note 35.

[68] Op. cit. supra note 10.

[69]Op. cit. supra note 35, citant le World Encyclopedia of Cartoons.

[70] Op. cit. supra note 8.

[71] Northerstrars, https://www.northernstars.ca/barre_raoul/, consulté le 16 mai 2021.

[72] https://collections.mnbaq.org/fr/oeuvre/600000002, consulté le 22 novembre 2020.

[73] Op. cit. supra note 6.  On peut voir ici un exemple des Animated Grouch Chasers : https://www.youtube.com/watch?v=ADy4NXvaDgI, consulté le 16 mai 2021.

[74] Op. cit. supra note 7.

[75] Op. cit. supra note 61.

[76] Op. cit. supra note 25.

[77] Op. cit. supra note 6.

[78] Op. cit. supra note 7.

[79] Op. cit. supra note 63.

[80] Op. cit. supra note 7.

[81] Op. cit. supra note 8.

[82] Idem.

[83] Dick Huemer, https://en.wikipedia.org/wiki/Dick_Huemer, consulté le 15 mai 2021.

[84] Dick Huemer, Pioneer Portraits, http://www.huemer.com/animate3.htm, consulté le 15 mai 2021.

[85] Idem.

[86] Idem.

[87] Op. cit. supra note 83.

[88] Idem.

[89] Op. cit. supra note 84.

[90] Idem.

[91] Op. cit. supra note 84.

[92] Idem.

[93] Op. cit. supra note 35.

[94] Op. cit. supra note 7 et The Dramatic Mirror, 19 mai 1917, page 9.

[95] Op. cit. supra note 84.

[96] Idem.

[97] Op. cit. supra note 35.

[98] Op. cit. supra note 84.

[99] Idem.

[100] http://primavista.free.fr/Bowers.html0.

[101] Op. cit. supra note 35.

[102] Op. cit. supra note 84.

[103] The Quirky Charm of Charley Bowers, https://silentology.wordpress.com/2016/08/17/the-quirky-charm-of-charley-bowers/, consulté le 15 mai 2021.

[104] Idem.

[105] Idem.

[106] The Amazing Charley Bowers, https://silentfilm.org/the-amazing-charley-bowers/, consulté le 15 mai 2021.

[107] Op. cit. supra note 84.

[108] Central Islip State Hospital, http://www.asylumprojects.org/index.php?title=Central_Islip_State_Hospital, consulté le 16 mai 2021.

[109] Op. cit. supra note 84.

[110] Op. cit. supra note 54.

[111] Eric Grayson, A Charley Bowers Cartoon Detective Story, https://cartoonresearch.com/index.php/a-charley-bowers-cartoon-detective-story/, consulté le 16 mai 2021.

[112] Lambiek Comiclopedia, https://www.lambiek.net/artists/b/barre_raoul.htm, consulté le 16 mai 2021.

[113] Op. cit. supra note 100.

[114] Op. cit. supra note 8.

[115] Op. cit. supra note 7.

[116] Op. cit. supra note 16.

[117] Op. cit. supra note 71.

[118] Op. cit. supra note 35.

[119] Op. cit. supra note 10.

[120] Op. cit. supra note 8.

[121] Op. cit. supra note 6.

[122] Op. cit. supra note 10.

[123] Raoul Barré, L’homme à la meule, https://collections.mnbaq.org/fr/oeuvre/600000001, consulté le 22 novembre 2020.

[124] http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/fauteux-gaspard-3137/biographie.html.

[125] http://www2.ville.montreal.qc.ca/archives/democratie/democratie_fr/expo/maires/houde/index.shtm.

[126] Op. cit. supra note 7.

[127] Idem.

[128] Idem.

[129] Op. cit. supra note 6.

[130] Op. cit. supra note 8. Pour plus de détails sur la vie d’Hercule Barré, voir http://lesfusiliersmont-royal.com/musee/fr/mediatheque-item/lieutenant-colonel-hercule-barre/, consulté le 7 juillet 2021.

[131] Op. cit. supra note 7.

[132] Op. cit. supra note 10.

[133] Outre Gabrielle et son amie Justine Caron-Turbide, ont notamment participé à cet épisode mon oncle Gaspard Fauteux et ma sœur Louise Fauteux, Mira Falardeau, historienne, Yvon Dupuis, ex-politicien, Mathieu Goyer, cinéaste, Dominique Desbiens, artiste, Serge Chapleau, caricaturiste, Michel Rabagliati, auteur de bande dessinée, Marco de Blois, Conservateur de la Cinémathèque québécoise, Luc Chamberland, animateur à l’Office national du film, et Éric Goulet de Softimage.

[134] Op. cit. supra note 7.

la vie et l’oeuvre de raoul barré est une présentation

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