Raoul Barré | Les films animés
Raoul Barré a mordu à belles dents dans le XXe siècle naissant, affamé par tant de promesses artistiques et technologiques. Ainsi, tout en participant à l’essor des médias imprimés à titre de dessinateur et de bédéiste, il s’est illustré comme pionnier du cinéma d’animation, à une époque où l’invention des frères Lumière n’avait pas encore 20 ans.
Le jeune Montréalais s’établit à New York au début des années 1910. En 1912, pour la première fois de sa vie, il voit un film d’animation (certains supposent qu’il pourrait s’agir de How a Mosquito Operates, de Winsor McCay). Il fonde un studio en 1914 avec le dessinateur Bill Nolan, puis, en 1916, avec l’animateur Charley Bowers, met sur pied le Barre-Bowers studio.
Durant ces années fécondes, Barré produit et réalise des séries de cartoons, souvent dérivés des comics strips : Animated Grouch Chasers, Phables, Mutt & Jeff. Il pratique un humour satirique, absurde, en phase avec les spectacles burlesques de l’époque. De plus, il participe à la mise au point de procédés inventifs qui accélèrent la production et améliorent la qualité du mouvement : le slash system, tombé depuis en désuétude, puis, surtout, le peg bar (ou règles à tenons), véritable révolution, encore utilisée de nos jours, qui permet de stabiliser le défilement de l’image. Il embauche également de nombreux jeunes talents qui deviendront des artisans de première importance de l’animation (Gregory La Cava, George Stallings, Dick Huemer, pour ne nommer que ceux-là). Vers 1919, en raison de mésententes avec ses collaborateurs et de la concurrence féroce qui caractérise ce milieu, Barré quitte (temporairement) le monde de l’animation.
En 1926, il joint le studio de Pat Sullivan (l’un de ses anciens employés) à titre de scénariste et de dessinateur pour la célèbre série Felix the Cat, réalisée par Otto Messmer. De retour à Montréal, il continue de se lancer dans des projets ambitieux et prometteurs : la création d’une école d’animation, où les étudiants œuvrent à la fabrication d’un court métrage, Microbus 1er, qui ne sera jamais terminé. Il propose aux autorités québécoises d’utiliser l’animation dans un film faisant la promotion du tourisme au Québec et écrit au Frère Marie-Victorin pour le convaincre de collaborer à des films animés sur les sciences naturelles. Ces initiatives, fort tristement, resteront sans suite.
Quand il décède en 1932, Barré laisse derrière lui une carrière fulgurante ayant ouvert la voie à l’industrie de l’animation aux États-Unis. Sa contribution, exemplaire et visionnaire, mérite d’être soulignée. La Cinémathèque québécoise est fière de conserver une part significative de ses archives personnelles et professionnelles.
Un texte de Marco de Blois
FILMOGRAPHIE DE RAOUL BARRÉ
Marco de Blois
Marco de Blois a étudié le cinéma à l’Université de Montréal. Depuis 1999, il est programmateur-conservateur du cinéma d’animation à la Cinémathèque québécoise. Son travail consiste à enrichir les collections et à mettre celles-ci en valeur.
Depuis 2002, il coordonne et signe la direction artistique des Sommets du cinéma d’animation. En plus d’avoir été membre du comité de rédaction de la revue 24 images, il publie de nombreux articles sur le cinéma d’animation. Il a enseigné l’histoire et l’esthétique de l’animation à l’Université Laval à Québec et à l’Université Concordia à Montréal.i le témoignage de ma profonde reconnaissance.
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