Une intrigue, une histoire rocambolesque prend fin

Un texte de Gaspard Fauteux

L’histoire débute un midi, à la fin des années 80.  Je suis attablé dans un établissement de la rue Crescent en attente d’un bon ami, Nick Auf der Maur, qui à l’époque était conseiller municipal et chroniqueur au quotidien la Gazette de Montréal. Celui-ci arrive accompagné d’une connaissance qu’il a fort probablement rencontrée sur son chemin. Il me présente l’individu qui semble des plus heureux de me rencontrer et sort immédiatement de sa mallette une photocopie montrant un personnage à l’allure distinguée, un peu bourgeois et vêtu de vêtements qui me rappelle les années 30. Il me dit « Je te présente ton grand-père Barré, il s’agit d’un auto-portrait. Le tableau est à vendre 10 000 $.

Reproduction Xerox du portrait de Elzeéar Roy

L’image que j’avais à l’époque de mon grand-père était celle d’un bonhomme plutôt costaud, à l’allure un peu jovialiste. Pris par surprise par cet inconnu et n’ayant pas l’habitude de faire des affaires dans un bar, bien assis sur un tabouret, je l’ai remercié en lui mentionnant que j’allais m’informer si quelqu’un de la famille pouvait être intéressé. J’ai évidemment conservé la photocopie qu’il m’avait remise.

Au cours des années, j’ai tenté, sans succès, de retrouver cette personne qui avait ce tableau à vendre. Ce n’est qu’en 2003, grâce à l’œil averti d’un neveu, que nous avons constaté qu’il ne  s’agissait pas d’un autoportrait, mais bien d’un tableau représentant monsieur Elzéar Roy, un ami intime de mon grand-père. J’avais aussi à l’époque, la contrepartie, soit un tableau de son épouse Honorine Roy que j’avais hérité de ma mère.   

Madame Honorine Roy

Plus que de simples amis

Elzéar Roy et Raoul Barré étaient de vieilles connaissances. On ne sait pas trop toutefois dans quelles circonstances et quand ils se sont rencontrés. Raoul, Elzéar et son épouse Honorine étaient de toute évidence de grands amis qui se sont fréquentés jusqu’au décès de Barré en 1932. Barré a d’ailleurs peint quatre merveilleuses toiles représentant le couple Roy, ce qui témoigne élogieusement du respect et de l’amitié qu’il vouait à ce couple. Ces quatre tableaux, l’Oiseau bleu, Les ruines de l’ensoleillée, Madame Roy et Elzéar Roy peuvent être découverts sur le site   www.raoulbarre.ca

L’oiseau bleue

À la recherche de tableaux de Raoul Barré

Alors que je m’affairais en 2020-2021, aidé de mon neveu Paul, à créer un site internet dédié à la vie et l’œuvre de Raoul Barré afin d’en assurer la pérennité, j’étais aussi à la recherche de ses tableaux. C’est ce qui m’a rappelé ce tableau d’Elzéar Roy dont je connaissais maintenant l’existence, sans jamais avoir vu une photo couleur ni en connaitre le propriétaire. C’est après avoir retrouvé cette fameuse photocopie que je découvris en bas de page quelques notes manuscrites de mon adjointe de l‘époque avec les noms et coordonnées de deux personnes. Je n’ai pas tardé à communiquer avec l’un d’eux en espérant qu’il puisse m’indiquer qui en était le propriétaire et comment je pourrais trouver le tableau que je recherchais depuis une trentaine d’années. À ma très grande surprise l’individu m’a confirmé qu’il en était le propriétaire mais qu’il en avait malheureusement perdu trace depuis bon nombre d’années.

À la rencontre de Elzéar Roy

Je n’ai pas tardé à la suite de ce premier contact téléphonique à rencontrer ce monsieur qui semble avoir pendant plusieurs décennies frayées parmi le monde artistique, étant lui-même peintre et ancien propriétaire d’une gallérie d’art à Montréal. Mon interlocuteur n’était pas de toute évidence la personne que j’avais rencontré une vingtaine d’années plus tôt. Celui-ci m’a remis une photo du tableau que j’ai mis rapidement en ligne en 2021 sur le site Raoul Barré .

À peine plus âgé que moi, il me raconte qu’il a été pendant une dizaine d’années galeriste et c’est à ce titre qu’il aurait conclu une transaction quelconque qui a mené à la disparition de nombreux tableaux. Cette disparition a fait l’objet d’une longue enquête de la SPVM qui semble s’être étirée sur plusieurs années. Bien que les tableaux aient été récupérés il y a près d’un an, mon nouvel ami a dû attendre en mai de cette année pour en prendre possession, incluant celui de Barré. Connaissant mon intérêt pour le tableau de mon grand-père, ce collectionneur d’art m’a invité à l’accompagner afin d’aller récupérer ses tableaux. Être présent à ces retrouvailles a été un moment  privilégié; j’avais ce vague sentiment de retrouver une vieille connaissance en retrouvant Elzéar Roy

Tableau de Elzéar Roy au poste de police

Dans un article intitulé « Barré l’introuvable », publié en 1976 à l’occasion du Festival international du cinéma d’animation, l’historien de l’art André Martin commentait le tableau de madame Honorine Roy, peint en 1929, en disant qu’il aimait « les difficultés de ce genre un peu solennel ». Un an plus tard Barre récidivait en nous offrant ce tableau d’Elzéar Roy, mari d’Honorine 

Les ruines de l’ensoleillée

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